jeudi 31 décembre 2015

Regard sur notre époque.

"L'humanité, vous l'aurez remarqué, multiplie désormais avec une grande ingéniosité les moyens d'éviter de se parler. (...) Au lieu de retrouver mes amis, je déposais des mises à jour ironiques et enjouées sur Facebook, histoire de montrer à tout le monde que ma vie était bien remplie. Il faut croire que ces messages plaisaient puisque j'avais désormais plus de soixante-dix amis sur mon compte, parfaits inconnus pour la plupart. Mais quant aux contacts de type tête-à-tête - on boit un café et on se met au courant des dernières - j'en avais apparemment perdu jusqu'au souvenir."

Page 36

"Tu te rends compte que s'il y a une chose qui insupporte les gens de mon âge, c'est bien que les gens du vôtre leur fassent des sermons? Regarde le monde autour de toi. Ce monde-là, c'est vous qui nous l'avez légué. Vous croyez qu'on peut se payer le luxe d'avoir des principes? J'en ai marre d'entendre dire que ma génération a perdu ses repères, qu'elle est matérialiste, qu'elle n'a plus de projet politique. Tu sais pourquoi on est là? Vas-y, au hasard. Ben oui, c'est parce que nous nous avez élevés comme ça. Pour vous, nous sommes peut-être la génération Thatcher, mais ce qu'on voit nous, nous, c'est que c'est vous qui l'avez élue, et réélue, et qui avait élu après elle des gens qui marchaient sur ses traces. C'est la faute de votre éducation si nous sommes des zombies consuméristes. Vous avez bazardé toutes les autres valeurs, non? Le christianisme, rien à foutre. La responsabilité collective, on voit où ça mène. Produire, fabriquer? C'est bon pour les losers. Ouais, on n'a qu'à aller les chercher en Asie; ils vont tout faire à notre place et on n'aura plus qu'à rester le cul devant la télé pour voir le monde partir en vrille, le tout sur grand écran et avec la HD, bien sûr."

Page 62 de "La vie très privée de Mr Sim" de Jonathan Coe.



6 commentaires:

  1. J'ai beaucoup aimé ce livre et je vais voir le film qui en tiré avec Jean-Pierre Bacri dans le rôle-titre, on verra ce que cela donne !

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    1. Je découvre ce livre effectivement avec beaucoup de plaisir et j'ai l'impression que plusieurs générations peuvent se retrouver dans ce qu'il écrit. Je suis aussi très admiratif du scénario du livre, du montage écrit qui est fait par l'auteur. Mais où va-t-il chercher tout ça? Bon je vous laisse. Je retourne lire. Bon réveillon à vous. Et je compte sur vous pour me raconter le film l'an prochain. Vous et moi nous pourrions être des personnages du livre. :-) :-) :-)

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  2. "Qu'est-ce qu'elle avait ma génération? Pourquoi mettait-elle si longtemps à grandir? Pour nous, la petite enfance s'étirait jusque vers l'âge de vingt-cinq ans et à quarante ans nous n'étions pas encore sortis de l'adolescence. Pourquoi mettions-nous si longemps à assumer nos responsabilités personnelles - et à fortiori nos responsabilités familiales?" Page 99.

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  3. "Dans le temps, avant les autoroutes, avant les rocades, traverser l'Angleterre faisait sans doute voir du pays. On passait dans la grand-rue, à cheval parfois, en remontant assez loin; on s'arrêtait dans les pubs du centre-ville (ou au relais de la poste, à l'auberge de la diligence, appelez ça comme vous voudrez). A présent, tout le réseau routier semblait conçu pour vous en empêcher, au contraire. Les routes étaient là pour qu'on ne rencontre pas les gens, pour ne surtout pas s'approcher des lieux où l'humanité se rassemble. Une formule m'est revenue, une formule que Caroline se plaisait à répéter: "Le lien, toujours". (...) J'avais le sentiment que ceux qui avaient tracé les routes anglaises se disaient exactement l'inverse: "Le lien, jamais."

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  4. "On reste tributaire de nos parents à un point qui aurait paru inconcevable aux gens nés dans les années trente ou quarante. J'ai cinquante ans, bon Dieu, et il me semble encore devoir demander la ... permission à Maman, la moitié du temps, ne serait-ce que pour vivre ma vie à ma guise. Il m'arrive parfois de penser que je suis encore sous la coupe de mes parents." Page 327

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