samedi 7 novembre 2015

Mourir entouré d'Amour.

Madame D… a soixante dix huit ans. Elle vit, avec son mari, dans une très jolie maison de campagne proche de Nantes. Ils l’ont construite ensemble. Ensemble, ils ont élevé quatre enfants, tout en travaillant dur tous les deux. Ils ont onze petits enfants. Des épreuves, tout au long de leur cinquante de vie de couple, ils en ont eu. Des pertes d’êtres chers, des enfants malades, des accidents de voiture, des amis morts soudainement, des soucis de travail etc…etc… Ils y ont toujours fait face avec dignité et courage; avec la conviction que ce qui excuse Dieu c’est qu’il n’existe pas. Ils ont toujours vécu en s’appliquant le proverbe anglais « never explain, never complain ». Aussi tout l’entourage familial a été surpris lorsqu’il y a deux ans et demie Madame D… a commencé à se plaindre. Elle avait des douleurs sans raisons dans les bras, les épaules, elle avait des crises de larmes incontrôlées et incontrôlables. Les examens médicaux ont commencé. Effets secondaires de traitements médicaux? Non. Dépression nerveuse? Non. Début de démence sénile? Non. Tumeur au cerveau? Non. Tout cela a pris du temps. Finalement au bout d’un an le diagnostic est tombé: maladie de Charcot. Et Madame D… a consulté internet pour tout savoir sur cette terrible maladie. Elle nous a dit alors « Pourquoi j’ai attrapé ça? Personne a jamais eu ça dans ma famille? Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour avoir ça? » Aujourd’hui elle ne peut plus parler. Elle a une machine pour l’aider à respirer la nuit. Elle ne peut presque plus avaler, déglutir. Elle est intacte intellectuellement. Elle s’exprime par textos ou avec une ardoise Valéda. Elle va chez le kiné tous les deux jours. Elle va chez l’orthophoniste deux fois par semaine. Tous les quinze jours, elle rencontre l’équipe médicale qui la suit. Sur son ardoise Valéda elle leur a écrit: « Je ne veux pas mourir aidez-moi à vivre encore un peu ». Depuis cet été, elle perd un kilo par mois. Ils lui proposent une petite intervention chirurgicale pour lui mettre en place une sonde gastrique afin qu’elle ne meure pas de faim et de soif. Le week-end dernier Madame D… a demandé à nous rencontrer. Nous lui avons emmené ses deux derniers petits enfants. Le plus jeune est très affectueux. Il a longuement joué avec sa grand-mère. Il a fini par s’endormir sur elle. Elle était heureuse. Dans sa famille, dans l’équipe médicale qui la suit, personne ne la considère comme un déchet. Toute le monde s'efforce de l'aider à faire face à la déchéance physique propre à cette maladie.  Elle est entourée de l’affection des siens. Tous essayent d’étirer le temps qu’il reste à passer ensemble. Tous essayent de lui faciliter sa fin de vie en la repoussant à demain, après-demain. Elle ne demande pas à mourir dans la dignité. Elle demande à vivre encore un peu sa fin de vie avec celles et ceux qu’elle aime. Elle souhaite mourir dans son lit entourée des siens.  Le week-end dernier son visage était beau, lumineux. Une vie intense débordait de ses beaux yeux bleus remplis d’amour pour nous. L’après-midi n’a pas du tout été triste. Avec son ardoise Valéda, elle n’a pas cessé de nous poser des questions et d’écouter nos réponses. Elle nous a demandé de revenir.

18 commentaires:

  1. La dignité, certains la placent dans la potion magique !
    Ici nous avons un tout autre exemple, merveilleux, doux, paisible d'une personne lucide et DIGNE, qui est heureuse d'être entourée et partager encore ses derniers sourires, ses dernières forces.
    MERCI à elle, merci à vous JFS. Mi1#9837;

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  2. Merci de vos mercis Mi bémol. Ce texte je l'avais en tête depuis des semaines et j'hésitais à le mettre par écrit. Et puis j'ai regardé et écouté Sandrine Bonnaire faire la promotion sur Antenne 2 de son film sur la fin de vie de la mère de Lionel Jospin. Et j'ai trouvé que les mots déchet et déchéance revenaient bien souvent dans son argumentaire. Alors je me suis lancé et j'ai écrit ce texte sur le blog de Koz puis sur mon blog et j'ai fini par l'envoyer au Journal Paroissial de Limoges. Il me semble que mourir dans la dignité c'est mourir accompagné et pas piqué comme un vieux chien chez le véto. Madame D existe bel et bien et elle nous donne à chacune de nos visites des leçons de courage, d'humilité, d'humanité.

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  3. Très bien le débat soulevé par Koz ! Il reste que au nom de la soit disant Dignité et de la soit disant libre pensée, on ne nous laisserait pas libres de penser et d'agir autrement et tout aussi dignement, sinon plus, que ce que certains voudraient nous faire avaler ! Je me demande d'ailleurs,dans quelle mesure il est digne de souhaiter pour soi une mort, mais assistée, qui restera un assassinat, sans se préoccuper des scrupules que peut avoir le préposé à l'assistance à faciliter cet acte et sans être certain que ce soit la volonté expresse du bienheureux euthanasié que de s'en aller à TrèsGV, vers la non vie, non affection, non assistance ! Si j'avais écouté ces sirènes "libératrices" je serais actuellement dans les regrets et les remords au lieu de me réjouir des moindres progrès dans le retour à la vie de ma chère épouse, merveilleuse entre ses hauts et ses bas, ses cafards et ses joies, capable de demander la mort et qq instants après de vous dire qu'elle est heureuse et de vous faire son plus doux sourire et vous gratifier de son beau regard affectueux ! Non à la mort ! La vie est plus précieuse que la mort ! Croyant ou incroyant, les chemins de la vie ne sont pas dépourvus de sens et chaque vie est autre chose que de la vulgaire marchandise à jeter ; toute vie est à protéger surtout quand elle n'a pas ou plus son autonomie !
    La caresse d'une main est plus vivante et enrichissante que la seringue fatale ! La caresse est espérance, non déchéance ; la caresse est preuve d'amour et non d'angoisse sans horizon. La caresse peut être le dernier beau geste que l'on peut avoir vers celui ou celle qui nous tend sa main avec confiance !
    Mi♭

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  4. Oh comme je suis heureuse de voir quelqu'un choqué par le terme déchet utilisé par Bonnaire. Cela m'a REVOLTEE. J'ai pensé à mon père, en couches oui à la fin, mais si digne et beau. J'ai pensé aux gens qui l'entendaient à l'hôpital et j'ai eu MAL pour eux. C'était indigne d'elle. Indigne des malades. Indigne de l'amour que l'on peut porter au faible, au malade, au mourant. Indigne.
    Elisabeth

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  5. Merci Mi♭et Elisabeth de vos commentaires. Nous sommes moins de quatre à penser ainsi sur ce blog donc pas une bande de cons si j'en crois Brassens. :-)

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  6. Oui JFS, mais ce trio n'a pas les micros de la TV !
    C'est une illustration de plus que le bien ne fait pas de bruit. L'essentiel est qu'il soit présent dans le quotidien de toutes nos périphéries. Poussières d'étoiles, échos d'amour, témoins de miséricorde, assoiffés de justice et de Dignité pour Tous et d'abord pour les mis à l'écart, pour les relégués, les délaissés, les blessés, les usés, les éprouvés, les souffrants ! Mi♭

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    1. "Le bien ne fait pas de bruit" parce que le bruit (médiatique) ne fait pas de bien. :-)

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    2. CQFD ! Ce bruit là est aussi le Buzzzzzzz ! ou la rumeur qui n'annonce rien mais qu'il faudrait parfois inventer pour tester ou sonder, une technique que l'on nous apprenais en stage de com !

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  7. L'instit devrait pouvoir corriger ma fôoote ! sur le dernier verbe !

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    1. L'instit commence à dater et il ne maîtrise toujours pas très bien l'outil informatique. Nous dirons donc que ce sont les ordis qui font des photes. Et les hébergeurs de blogs!

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  8. Où et comment trouver le bonheur : dans le respect de la dignité de chaque personne crée à l'image de Dieu.

    http://www.la-croix.com/Urbi-et-Orbi/Archives/Documentation-catholique-n-2521-K/Mgr-Pontier-demande-aux-chretiens-d-etre-ouverts-misericordieux-et-de-s-engager-2015-11-09-1378255

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    1. Merci de m'avoir indiqué ce lien Mi♭. Je viens de le lire et d'en faire un copier coller que j'ai mis en commentaire sur Facebook sous une vidéo dont je n'aime pas beaucoup le contenu. Je garde ce lien dans mes favoris. Pour une prochaine réunion de l'équipe locale CCFD Terre Solidaire.

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  9. Subtilités sarcastiques, parfois :
    www.analysebrassens.com/97/le_pluriel?analysebrassens...

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  10. Un beau soir de détente et de musique en ce doux vendredi 13 nov 2015, qui se termine par un terrible concert de fusillades.
    Depuis 3 heures, maintenant, Paris crie, les familles pleurent leurs morts, s'inquiètent de leurs blessés. La France pleure aussi, le monde tremble et manifeste sa solidarité : la démocratie sera toujours la plus faible face aux terroristes. Et on n'en a pas fini, hélas !!!

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    1. Il y a eu depuis Giscard d'Estaing une série de choix politiques qui nous ont mené à la situation d'aujourd'hui. Je ne vais pas y revenir. Vous savez comme moi comment nous en sommes arrivés là. Je pense qu'effectivement ce n'est pas fini. Et que nous allons avoir besoin d'aide pour faire face à la situation présente.

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  11. Si vous le permettez, je vous propose de publier ce texte, plus rassembleur que autres qui veulent du karcher (c'est tellement plus simple et plus efficace même pour des français qui ne sont pas tous des Hercules !)

    COMMUNIQUE DE PRESSE DE L'ARCHEVECHE DE BESANCON

    Message de Mgr Jean-Luc Bouilleret, archevêque de Besançon suite aux attaques terroristes à Paris du vendredi 13 novembre 2015 :

    Après les attaques de janvier dernier, après l’attentat de cette semaine à Beyrouth et tant d’autres au long de ces derniers mois, notamment en Turquie et dans d’autres pays d’Orient et d’Afrique, notre pays connaît à nouveau la douleur du deuil et doit faire face à la barbarie propagée par des groupes fanatiques.

    Ce matin, je prie et j’invite les catholiques du diocèse de Besançon à prier pour celles et ceux qui ont été tués hier et pour leurs familles, pour les blessés et pour leurs proches, pour ceux qui s’activent pour venir à leur secours, pour les forces de l’ordre soumises à une redoutable tension, pour nos gouvernants et pour notre pays afin qu’ensemble nous demeurions dans l’unité et la paix des cœurs.

    Je demande aux paroisses du diocèse de Besançon de faire de cette journée et celle de demain dimanche des journées de deuil et de prière.

    Dimanche 15 novembre à 16h30, je présiderai la messe à l’Eglise Saint Pierre de Besançon à l’intention des victimes de la nuit dernière et de leurs proches et à l’intention de notre pays ; le glas de la cathédrale sonnera aujourd’hui samedi 14 novembre à 12h.

    Face à la violence des hommes, puissions-nous recevoir la grâce d’un cœur ferme et sans haine. Que la modération, la tempérance et la maîtrise dont tous ont fait preuve jusqu’à présent se confirment dans les semaines et les mois qui viennent ; que personne ne se laisse aller à l’affolement ou à la haine. Demandons la grâce d’être des artisans de paix. Nous ne devons jamais désespérer de la paix, si on construit la justice.


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  12. Je viens de le faire Mi♭sur mon blog et sur Facebook. Et je vais le faire sur mon listing CCFD Terre Solidaire.

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