Monseigneur François Bustillo, évêque d’Ajaccio (Corse du Sud ) et cardinal, auteur notamment de "Réparation. Une société fracturée peut-elle survivre ?", était l’invité du journal de 20 H, mardi 9 septembre. Il a appeler à "humaniser la société".
Ce texte correspond à une partie de la retranscription de ses propos lors de son passage à la télé sur Antenne 2.
Il est l'un des cardinaux les plus puissants et les plus médiatiques de l'Église catholique. C'est lui qui a réussi à ramener le pape François en Corse pour une messe juste avant sa mort. C'est lui aussi que le nouveau pape Léon a nommé envoyé spécial. Et il lance un appel en cette rentrée.
Léa Salamé : On vous a invité pour parler du livre que vous publiez en cette rentrée et qui porte le nom de "Réparation". Vous écrivez que vous n'en pouvez plus de cette société du soupçon, de la méfiance. Pourquoi avoir, vous, cardinal, besoin d'écrire ce livre et de dire ce cri de colère aujourd'hui dans le débat public ?
Monseigneur François Bustillo : Je verrais plutôt un cri d'espérance. Nous avons besoin, il me semble, dans notre société d'une fumée blanche où il y a de l'espérance. Pour les côtés sombres, on en voit tous les jours, les titres de nos journaux, la vie sociale, il y a beaucoup de violence, beaucoup de dureté. On est intransigeants. Et je me dis, mais comment se fait-il, avec les capacités qu'on a, avec les talents qu'on a, qu'on soit tous les jours dans les côtés sombres ? Il me semble qu'il faut aller un peu à contre-courant, être un peu anticonformiste et sortir le bon et le bien de chacun. Nous voyons tous les jours des gens généreux, lumineux, merveilleux. C'est un non-événement, mais c'est dommage qu'on ne les célèbre pas assez.
Léa Salamé : Mais vous les voyez, les gens inquiets, sombres, malheureux, fébriles dans vos églises le dimanche ? Vous la ressentez, cette France fracturée, archipélisée ?
Monseigneur François Bustillo : Je le vois surtout dans la société. Il y a beaucoup de violences verbales, idéologiques. On est durs. Je pense qu'il faut tendre vers un idéal et on est dans l'idéologie. On s'installe dans l'idéologie et l'idéologie, vous le savez, n'a pas de cœur. Donc c'est de la dureté. Je pense qu'elle n'est pas normale. Elle n'est pas humaine. Il faut humaniser notre société, autrement notre civilisation tombe dans la barbarie.
Léa Salamé : Cette violence, elle est accrue par les réseaux sociaux à vos yeux ? Ça vous fait peur, les réseaux sociaux ?
Monseigneur François Bustillo : Les réseaux sociaux, c'est un moyen. Ce n'est pas une finalité. Il faut voir comment on utilise les réseaux sociaux. On peut faire des merveilles et on peut faire le pire. Je crois qu'il faut humaniser aussi les réseaux sociaux. Il faut véhiculer des messages positifs. Je ne suis pas angéliste, ni naïf, mais je me dis quel dommage que dans notre société on ne voit et on ne propose que le côté sombre. On va chercher le côté sombre, le point sombre. Pourquoi ne cherche-t-on pas le point lumineux ? La société irait mieux, on serait plus heureux.
Léa Salamé : Vous dites qu'on manque de sens aujourd'hui dans votre livre, qu'il y a un vide spirituel qu'au fond, on le comble en allant chez le psy, chez le coach, chez le naturopathe, mais plus à l'église. Les églises sont vides, pas les vôtres. Elles sont pleines tout le temps à craquer en Corse. Comment vous l'expliquez ?
Monseigneur François Bustillo : Au début du XXe siècle, on nous a parlé de la société désenchantée. Maintenant, elle est désorientée. Il faut que notre société retrouve une âme, une spiritualité. Je respecte la laïcité, bien sûr, mais je me dis, si on a une spiritualité, sur une quête intérieure, on va canaliser cette tentation ou cette tendance à la barbarie et à la violence. La société est belle. La vie est belle. Sortons le bon et le bien. L'Évangile, qu'est-ce qu'il nous dit ? "Aimez-vous les uns les autres." Et actuellement, on dirait que quelqu'un a dit "détestez-vous les uns les autres". Ce n'est pas possible. Nous devons bâtir un monde meilleur et nous avons le potentiel et les capacités.
Léa Salamé : Vous aviez une relation spéciale avec le pape François qui avait préfacé votre précédent livre, que vous aviez ramené en Corse pour cette messe quelques mois seulement avant sa mort. Comment vous vous entendez avec le nouveau pape, le pape Léon ? Quel homme est-il ?
Monseigneur François Bustillo : Le pape Léon vit encore sa lune de miel. Il découvre l'Église catholique dans toute sa complexité. Mais le pape Léon, c'est un homme discret et déterminé. Je suis convaincu qu'il va donner les bonnes réponses aux défis de l'Église catholique dans le monde. Quand le pape François est mort, quand le pape Léon a été intronisé, tout le monde était là. On a besoin d'un leadership moral et spirituel dans le monde. Le pape n'est pas là pour faire de la politique, mais pour avoir une parole où il y a des valeurs, de la hauteur et de la profondeur.
Léa Salamé : On avait parlé de vous comme pape. Vous n'avez pas été déçu ?
Monseigneur François Bustillo : Non, pas du tout. Les médias sont très libres, ils s'expriment comme ils veulent, mais non. Je pense que nous avons fait le bon choix, il va apporter beaucoup de lumière, de clarté à notre société.
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