Sur leurs terres ravagées, il s'ensuivit un demi-siècle de paix fourbue, pendant laquelle les deux nations lentement relevaient leurs ruines. "Plus jamais ça!", disaient les survivants, qui conservaient de trop d'horreurs un souvenir atterré. La vie dans l'archipel redevenait aimable et douce. La guerre fut oubliée. Les jeunes nés après elle, et qui n'en avait rien connu, refusaient d'y penser: pour eux c'était le Déluge, la préhistoire. Ils plaisantaient ce qui restait des anciens combattants parce que, borgnes, boiteux ou perclus, ils devenaient vieux et radoteurs.
Il y avait eu, après la saignée, énormément de naissances. La Messénie put se refaire une armée, nombreuse et dynamique. Quand elle fut assez forte, elle trouva l'appui d'Argos et de l'Arcadie et, par surprise, fondit sur Sparte. Ce fut une guerre acharnée, sans pitié, où les deux nations perdirent dans les massacres le tiers de leur population, le reste étant décimé par la famine et les épidémies. Après quelques années de carnages mutuels, les Messéniens, épuisés, durent se rendre. Mais Sparte était ravagée.
Il s'ensuivit un demi-siècle de paix dans l'archipel. "Plus jamais ça!", disaient les survivants qui conservaient de trop d'horreurs un souvenir atterré. La vie redevint aimable et douce. La guerre fut oubliée. Les jeunes, nés après elle et qui n'en avaient rien connu, refusaient d'y penser. Pour eux c'était le Déluge. Ils plaisantaient les radotages des anciens combattants et préféraient commenter, de loin, la révolte des Perses contre les Mèdes, leurs victoires sur l'empire lydien, sur Babylone, sur l'Egypte, sur l'Inde et admiraient ses conquérants farouches. Lesquels fondirent sur eux sans prévenir. Ce fut une belle tuerie. La guerre dura quarante ans, acharnée, sans pitié. Les armées fondaient comme du beurre, ruinant les populations, que décimèrent les famines et les épidémies. A la fin toutefois, les Perses épuisés renoncèrent, vaincus successivement à Marathon, à Salamine et à Platée. Athènes était glorieuse, mais non moins épuisée.
Il s'ensuivit, avec Périclès, vingt ans de paix dans l'archipel. La vie y redevint aimable et douce. On oublia la guerre, ses désastres et ses dévastations. "Plus jamais ça!", disaient encore les vieux, mais les jeunes, qui n'en avait rien connu, refusaient d'y penser et s'en moquaient éperdument. Salamine et Platée, pour eux c'était le Déluge. Ils plaisantaient les anciens combattants - avant de se précipiter, à leur tour, dans une nouvelle tuerie.
Et caetera. Et caetera et caetera.
( Vercors dans "Assez mentir" aux Editions Ramsay )
Source photos: Google Images
Terrible, jfs, terrible on en est encore à la préhistoire !!
RépondreSupprimerOn ferait mieux d'observer les oiseaux.
Lugardon n'avait-il pas déjà publié ce texte en 2006 ? La sagesse ne dure que le temps d'une génération ! Nous n'en sommes pas restés pour autant à la préhistoire et viendra le temps où on ne criera plus cocorico parce que nos fleurons nationaux ont été vendus à l'Egypte (payés certainement par nos belles réserves qu'on appelait le COFACE). Bonheur des industriels, des industries, des ouvriers, tristesse pour les massacrés, pour les endettés, pour les soumis ou asservis... etc etc etc... MI♭
RépondreSupprimerBonjour MI♭. Bien vu, oui j'ai déjà publié ce texte. Il m'accompagne depuis des années maintenant. Elisabeth vient de me faire découvrir le lien suivant: http://angelique-ionatos.com/ Je suis en train de l'écouter en écrivant. Et en regardant par la fenêtre les oiseaux qui viennent manger les graines que j'ai mises pour eux sur le rebord de la fenêtre. Bonne journée à vous. "ça devient difficile d'être de gauche, surtout si on n'est pas de droite". (Guy Bedos) cx 10h02
SupprimerBonjour Fa#. Depuis que je suis enfant j'adore regarder les oiseaux. La semaine dernière j'ai regardé passer au-dessus de la maison "mon" premier vol de grues. Lundi autour de la maison toute la journée trois palombes ont voleté d'arbres en arbres pour je pense ce qui doit être leur parade d'amour. Ce matin par la fenêtre de ma chambre j'ai vu une de ces trois palombes cueillir tout en haut d'un acacia des brindilles. Je vais essayer dans les jours à venir de trouver où elle fait son nid. Elisabeth m'a fait connaître le lien suivant:http://angelique-ionatos.com/ Je suis en train d'écouter. Bonne journée à vous. Cx, 9h53.
RépondreSupprimerMerci pour cette visite Angélique. Le rêve de justice et de paix fait notes et cris, sons et silences, mots contre maux, cordes qui enferment et qui libèrent, mettent en boîte pour mieux se répandre dans l'univers et supplier la grâce auprès des bourreaux. Paysage de chair, langue berceau d'humanité, Grèce éternelle.
RépondreSupprimerD'autres trouvères pourraient aussi se reconnaître en cette vie malmenée qui crie justice. MI♭