Un beau matin d’automne, nous quittons notre maison et notre campagne
en voiture pour nous rendre dans une grande ville portuaire de France.
Une heure trente plus tard, nous nous garons devant le local d'une
association catholique qui va à la rencontre des personnes vivant dans
et de la rue. Nous ouvrons portes et fenêtres, vidons la boîte aux
lettres, trions le courrier, faisons un peu de ménage dedans et dehors. Avec des gants jetables, nous ramassons sur le
trottoir de notre devant de porte préservatifs usagés, canettes en alu, papiers de bonbons et de
gâteaux, lingettes pour nettoyer les bébés.
A
midi trente nous refermons le local pour nous rendre au restaurant le
plus proche. Nous traversons un parc municipal où se trouve une petite
cabane en bois remplie d'étagères sur lesquelles des passants déposent
des livres dont ils n'ont plus usage. "Tout ce qui n'est pas donné est
perdu" dit une affiche. Nous y laissons trois cartes de visite de notre
association. Pendant le repas, la responsable du restaurant
vient plusieurs fois nous parler. Elle sait qui nous sommes et pourquoi
nous sommes là. Elle nous dit qu'elle entend beaucoup de critiques dans
son resto à l'égard des jeunes femmes qui se prostituent dans le
quartier. Elles sont trop bruyantes, envahissantes, peu
discrètes, provocatrices. Sur un côté de la place il y a une école
maternelle et sur l'autre côté une école primaire. Elles sont encore là
"au travail" le matin à huit heures, quand les jeunes mamans emmènent
leurs enfants à la garderie. « Le mécontentement gagne du terrain » nous
dit-elle.
Le repas terminé, nous regagnons notre local.
Nous consultons et rangeons livres, dvd et cd concernant la
prostitution. Nous téléphonons et rédigeons des courriers. En milieu
d'après-midi, nous nous accordons une heure de pause pour marcher en
ville.Nous nous rendons dans un bar dont la
propriétaire connaît notre association. Elle a pour clientes des
femmes de tout âge et de toute nationalité qui se prostituent dans les
ruelles du quartier. Elle nous interpelle et nous fait part de ses
observations. « Il y a toujours autant de prostituées malgré la nouvelle
loi qui punit le client. Il faut s’attaquer aux proxénètes »; elle nous
indique l’hôtel où ils séjournent en toute tranquillité. Nous
l’écoutons. Puis, nos consommations terminées, nous regagnons le
local de l’association. Il est 17h30. C’est une belle journée
ensoleillée d’automne. Je reste dehors devant l’entrée, au soleil.
Un
vieux monsieur qui marche sur le trottoir m’accoste. Il me demande si
je suis prêtre. Je lui dis non mais que s’il veut se confesser je
l’écouterai avec bienveillance. Il sourit. Son visage est malicieux et
lumineux. Il est du quartier. Il connaît le but de notre association. Il
me dit combien il trouve ces femmes belles et jeunes. Mais,
ajoute-t-il, « Aujourd’hui je ne peux plus aller avec elles. Il me
faudrait du Viagra et j’ai peur pour mon cœur ! » Il me raconte les
maisons closes de sa jeunesse. Je lui parle de mon enfance et de mon
adolescence à 21 kms d’une très grande base militaire américaine de
l’OTAN, bordée de bars remplis de prostituées. Notre discussion terminée nous nous saluons. Il repart à pieds vers le parc municipal.
Il
est maintenant 18h. Quelques jeunes femmes arrivent et se préparent.
Elles changent de tenues vestimentaires derrière une murette, des
voitures, un camion. Elles mettent leurs vêtements de ville dans des
poches en plastique qu’elles dissimulent ici et là. A partir de 19
heures une vague plus importante encore arrive. A partir de 20h elles
sont en place dans le quartier jusqu’au lendemain matin 8h.
Par
équipes de deux, nous partons à leur rencontre; tantôt bien reçus,
tantôt rejetés. Selon les endroits, nous découvrons des roumaines,
bulgares, ukrainiennes, kosovares, gitanes, turques. Rares sont les
françaises. Il y a des rues avec une forte présence de jeunes, voire
très jeunes africaines. Lorsque nous leur demandons leur âge, elles nous
répondent toujours par des âges au-dessus de 18 ans. Il nous arrive
d’en douter.
Nous communiquons souvent en Anglais car
beaucoup de ces jeunes femmes parlent peu le Français. Nous essayons de
leur faire connaître l’association catholique qui nous emmène vers elles, nous leur parlons également d’autres organismes qui peuvent les aider
pour apprendre le Français ou pour accéder à des soins médicaux. La
principale difficulté de cette démarche vient du fait que ces jeunes
femmes sont constamment déplacées et que d’une fois à l’autre nous ne
rencontrons pas les mêmes personnes : manifestement elles ne se
prostituent pas de leur plein gré.
Nous espérons néanmoins
témoigner d’un regard d’humanité et de bienveillance à leur égard car le
sort qui leur est fait est inhumain.
« La prostitution n’est pas le plus vieux métier du monde mais le plus vieil esclavage du monde. »
https://www.amnesty.be/je-veux-agir/agir-localement/agir-a-l-ecole/l-espace-enseignants/enseignement-secondaire/Dossier-Papiers-Libres-2004-Les/article/5-3-traite-des-femmes-et
RépondreSupprimerLe rapport d'Amnesty internationale est très complet, il date de qq années puisqu'il aborde la prostitution au KOSOVO, c.a.d. un de ces événements guerriers qui se multiplient ici et là sans cesse et ou l'ordre militaire s'accompagne de désordres innombrables et innommables, notamment avec les « bordels pour soldatesques de tous pays, qui n'en sont plus à une violence près. »
RépondreSupprimerLa prostitution est un problème régulièrement inscrit dans les programmes de lutte des gouvernements. Mais les contournements des règles restent impunis et le phénomène subsiste, hélas, avec la participation parfois des intéressées (femmes).
Sur le plan familial je mets l'accent sur la notion de respect de soi même et de l'autre, conditions de la sauvegarde de la dignité de toute personne.
L'égoïsme fait ensuite son œuvre. Et on me prie de garder ma morale, car seul « M-O-N bon plaisir ou mon épanouissement comptent !!! d'autant plus que « je peux payer !!!!!! » quand on n'ajoute pas que « les filles aiment ça » Voyons !
Tout mon respect aux militants du Nid, association à laquelle vous faites sans doute allusion. Mi♭
Les militants du Nid que j'ai rejoint il y a plus ou moins trois ans sont aujourd'hui devenus membres de l'association "Aux captifs la libération".Voir lien suivant: http://www.captifs.fr/
RépondreSupprimerMerci pour cette précision. Je suis en effet décalé par absence de militantisme" depuis plus de deux lustres.
RépondreSupprimerSans commune mesure avec le fond de votre sujet, je suis qq part "un captif" d'une situation qui s'est imposée accidentellement dans ma vie. mais je ne suis pas réduit à l'esclavage, ni à l'indignité, bien au contraire cette captivité fait aussi grandir mon esprit, elle devient libération, transfiguration, résurrection, admiration et reste passion, aspiration, rédemption. Mi♭
Oui j'ai perçu la réalité de ce vous vivez à notre rencontre et comment vous dépassez les épreuves par le haut. Merci d'avoir accepté cette rencontre.
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